<<Eh bien ! Ma p’tite fille, à l’école, on n’avait grand’chose à manger tu sais… On arrivait avec not’panier; on mangeait not’casse croûte sous le l’préau, et on buvait l’eau du robinet . Y’en a qui n’avaient qu’un oeuf entre d’eux, qu’une sardine entre d’eux ! Quand j’y pense ! A l’hiver, chacun apportait des patates, des carottes, des choux. Y’avait un grand poële au fond de la classe. La maîtresse, elle faisait la soupe. ça mijotait pendant le temps de l’école, ça nous réchauffait. C’était tout simple… On jouait à la marelle, aux osselets, à la corde; v’là tout c’qu’on avait . On n’avait pas d’vélo. Y’avait jamais d’sortie. Le voyage le plus loin qu’j’ai fait ? Notre village, l’école, et l’église pour le catéchiste… C’est pas grand’chose, hein? En rentrant l’soir, on gardait les vaches, ou on cassait du bois… Le bourg n’était pas grand, mais il avait beaucoup de commerces; des cafés, y’en avait plus de cinquante, y’en avait partout… et les épiceries, ma fille, elles vendaient tout au détail. C’était rare que les gens achetaient 1 kg de d’ sucre ! Ils prenaient 1/2 livre de sucre, 1/4 de café, 2 sous de poivre et de sel… Tous les vendredis, les fermières vendaient leur beurre, oeufs, lait, au marché, sous les Halles. Y’avait une foire le 3e vendredi de chaque mois. La plus grande était en juin, la foire de la Saint-Jean. Là, y’avait du monde ! C’était la fête jusqu’au dimanche ! Les fermiers embauchaient des bonnes et des commis pour 3 mois. Après, ils travaillaient à la cidrerie où ils faisaient des journées dans les fermes. Oh là là, quand j’y pense, pour 2 sous ! Puis les anciens;, ma pauvre fille, n’avaient rien les anciens; ils aillaient garder les vaches le soir, là par derrière les haies, pour un bout de pain sec que les fermiers leurs donnaient. Ils rapportaient un couple de pommes ; ils cuisaient ça; ils mangeaient çà. C’était la misère, en c’temps là, c’était la misère…>> Mais grand’mère racontaiit aussi des légendes…